ANTOINETTE NICOLINI par PATRICE DE LA PERRIÈRE
L' Univers des Arts, octobre 2015
« A la recherche de l'invisible »
L'oeuvre de Nicolini ne déçoit jamais. En effet, au delà d'une peinture totalement maîtrisée aux accents poétiques, elle nous offre à chacune de ses expositions un univers aux ambiances chaleureuses et à l'atmosphère mystérieuse même quand les sujets traités semblent évidents. Avec Antoinette Nicolini, il faut se méfier des évidences et oser aller derrière l'image proposée. Par ce voyage, nous découvrons une dimension sensible qui ne peut nous laisser indifférents tant l'intensité, développée dans ses tableaux, embrasse une grande quantité de sujets qu'il nous appartient de développer. Elle a le don de s'approprier ce qu'elle voit, de le nourrir par son imagination et de le restituer sur la toile avec une émotion communicative. Une des qualités principales de cette artiste est l'authenticité avec la volonté non pas de surprendre, mais plutôt de séduire par les possibilités qu'elle nous offre. Entrer dans un de ses tableaux c'est avant tout découvrir une terre inconnue, c'est aussi accepter une aventure aux confins de l'imagination et, avant tout, une possibilité de se détacher d'une réalité trop souvent statique.
Antoinette Nicolini peint comme si cet acte était indispensable à sa survie dans notre monde actuel. Chacun de ses tableaux raconte une histoire sous forme de parabole, à nous de la déchiffrer et de la comprendre pour en tirer un profit non seulement visuel mais aussi intellectuel. Car chaque détail de ses peintures donne sens à l'ensemble, chaque nuance et chaque lumière structurent avec application le thème abordé et traduit sur la toile. Pour être précis disons que Nicolini porte en elle cette nécessité de partager ce qu'elle ressent ; c'est cela qui la fait vivre et qui la rattache au monde.
Quelque soit le sujet traité, on y trouve la même force, le même désir d'aller jusqu'au bout de ce qu'elle a vu. Car, pour elle, tout doit être « digéré », interprété, afin que le spectateur ait devant lui une sorte de livre à effeuiller. Ce qu'il y a de passionnant dans son travail, c'est que les tableaux offerts au public dans une exposition, sont autant de messages sibyllins à découvrir. Qu'il s'agisse des paysages de Venise, de Paris, de New York ou de sa Corse natale, des champs de coquelicots, des danseuses classiques ou de Flamenco, toutes ses œuvres ont un dénominateur commun, la recherche d'une vérité qui anoblit ce que l'on voit ou croit voir, qui métamorphose les choses et transforme en nous indiquant le chemin oû se cache la révélation créatrice. Tout cela est rendu possible par l'habileté du peintre, par une grande technique acquise dont elle n'est pas esclave, et qui lui permet de jongler avec les lignes, les couleurs et les nuances et ainsi de pouvoir garder son écriture quoiqu'il arrive.
L'écrivain Céline, dans un entretien avec un journaliste a dit : « L'important en littérature, c'est le style ! ». Je crois que cela est valable pour tous les arts et le style d'Antoinette Nicolini, c'est-à-dire son écriture picturale, est bien reconnaissable, bien marqué.
Cette nouvelle exposition qui va se tenir à la Galerie du Marais va nous permettre de découvrir la monographie consacrée à ce peintre hors du commun, aux possibilités multiples. Remercions donc Paule France Luciani et Cyril Bataille de nous présenter une artiste rare qui n'a pas fini de nous étonner et de nous séduire.
Patrice de la Perrière
*********************************************************************************************************
ANTOINETTE NICOLINI
Monographie, 2015
« Le mot du peintre »
Le parcours d'un artiste, jalonné de doutes, de questionnements, d'interrogations, de découragements et de moments heureux, est un cheminement très long qui exige un investissement mental intense. Tout peintre doit l'appréhender comme un athlète gravirait une montagne au relief très accidenté, en prenant soin de respecter les paliers, prudemment, patiemment, sans brûler les étapes, en s'octroyant des poses bénéfiques, sous peine de faire des chutes irréparables. Après cette performance physique et mentale, le chemin parcouru n'est jamais trop long quand l'artiste parvient à trouver sa propre écriture pour exprimer sa vision du monde, et peu importe que son langage soit abstrait ou figuratif, pourvu qu'il soit vrai, qu'il soit son plus fidèle « autoportrait ».
La création, l'acte de peindre, nécessité intérieure pour tout artiste authentique, est ma façon d'exister, de respirer la vie, de lui rendre hommage. Ma source d'inspiration est toujours la nature et l'élément déclencheur peut être une lumière, une ambiance, un mouvement, une attitude, un paysage, des traits humains ... etc. Toutes les richesses de la nature deviennent alors de merveilleux prétextes à la création. Sublimer la nature, l'honorer, est ma motivation première et c'est surtout par la couleur que mes oeuvres sont organisées. Travailler la matière, harmoniser, fusionner, faire vibrer les formes et les couleurs est l'écriture qui s'est imposée à moi afin de me rapprocher d'un idéal de beauté.
La peinture, création vivante de l'homme en symbiose avec la nature, espace et vecteur d'émotions, est avant tout un choc ressenti qu'il m'est nécessaire d'exprimer et de partager avec le public. Quand la communion opère, instant magique pour tout artiste, c'est avec bonheur et sans retenue que je poursuis mon chemin, ma quête du « Beau », en essayant toujours de faire mieux, d'aller toujours plus loin, de voler toujours plus haut, sans cesse à l'écoute de ma sensibilité et de mon intuition.
Ma devise pourrait être une citation de René Char: « L'impossible, nous ne l'atteignons pas, mais il nous sert de lanterne ». Je vous livre dans cet ouvrage, des impressions d'hommes et de femmes, connus ou anonymes, recueillies dans la presse, dans ma « galerie virtuelle » et sur mon « livre d'or », ainsi que des réflexions et des citations de personnages célèbres dont je partage les idées.
Je vous livre enfin mes réflexions sur la peinture et l'évolution de mon travail durant une période d'une trentaine d' années.
Antoinette Nicolini
****************************************************************************************************************
ANTOINETTE NICOLINI par SANDRA ALFONSI
ARIA, octobre 2001
« La couleur en mouvement »
Antoinette Nicolini, peintre autodidacte qui vit et travaille à Bastia illustre bien la variété et surtout la qualité, parfois méconnue, de la création picturale insulaire. Son oeuvre, réalisée aujourd'hui exclusivement au couteau, allie subtilité des couleurs et puissance expressive du mouvement, pour composer un univers original où force et douceur se conjuguent au service de la lumière. Il y a chez Antoinette Nicolini, jeune femme au parcours artistique déjà éloquent, ponctué d'expositions et d' hommages prestigieux en France comme à l'étranger, beaucoup de cette volonté de restituer la vie à travers le prisme de l'émotion que l' on retrouve dans l'expression créative des peintres du Péano: couleurs vives à l' harmonie maîtrisée, simplicité des sujets, « méditerranéité » évidente par la tonicité des rouges, des jaunes et des bleus, et vigueur du trait...de couteau qui semblent inscrire l'oeuvre dans la filiation des Gianelli, Ambroggiani et autres Antoine Ferrari...
Une peinture libre, sans carcan, sans école, sensible, instinctive, d'un réalisme poétique qui laisse la porte ouverte à l'imagination... Mais ce qui signe la profonde originalité des tableaux d'Antoinette Nicolini, c'est surtout l'intense vibration des couleurs, qui paraissent émaner de la toile en un miroitement subtil. Un tour de force, au couteau, que d'atteindre cette harmonie sans déflorer, sans affadir une palette chromatique toujours très vive, très sudiste, ici adoucie par l'imbrication, l'articulation subtile des formes. L'équilibre des volumes donne de la profondeur au sujet, le regard embrasse aussi des personnages, des champs de coquelicots, ou des bouquets de fleurs qui semblent atteindre une dimension supplémentaire, à la lisière de la sculpture...
Il y a parfois des accents fauvistes, voire cubistes, dans certaines toiles, et, allons y franchement, les natures mortes, par leur qualité expressive et technique, font penser à Cézanne...
Rien d'étonnant donc à ce qu' Antoinette Nicolini ait réussi à imposer sa peinture en Corse comme ailleurs. Depuis 1987 en effet, l'artiste multiplie les expositions: France, Etats-Unis, Suisse, Liban, et ses oeuvres sont présentes dans de nombreuses collections particulières aussi bien en Europe qu'au Japon, au Costa Rica, en Chine, en Afrique ou en Amérique du Nord.
Une reconnaissance nationale et internationale qui, au delà de la qualité de l'oeuvre, est aussi un hommage à la Corse: comment ne pas voir en effet, dans la puissance évocatrice des tableaux d'Antoinette Nicolini, émouvants sans mièvrerie, colorés sans manichéisme, expression libre d'un véritable tempérament artistique sans concession à la facilité, qui ne doit rien aux règles didactiques, l'influence implicite de la lumière, si intense et si caressante à la fois, qui magnifie la simplicité grandiose des paysages insulaires.
Sandra Alfonsi
*********************************************************************************************
ANTOINETTE NICOLINI par JACQUES THIERS
Avant-propos, Parcours d'un peintre, septembre 2015
« Pour refaire le monde »
Qui aurait pu l'imaginer? L'endroit n'est pas passant, mais quand même pas loin de tout! Il y a bien des années que nous passons tout près sans même soupçonner que ça se passe là...A cet endroit-là, la rue César Campinchi remonte légèrement, puis se termine en impasse. Ici pas de vacarme, pas de bruits inutiles. La fin d'un parcours, d'une promenade dans Bastia? Cette enseigne « Atelier d'Art », une exposition parmi tant d'autres? Où l'art finit en produit marchand? Pas du tout! Ici, tout n'est que naissance, et si vous poussez la porte qui ouvre sur cet espace, vous saurez aussitôt que vous êtes tombé sur une entreprise qui entend refaire le monde. Non pas à force de bavardage et de mirages, mais après en avoir réalisé la déconstruction raisonnée, attentive et pertinente. Vient ensuite la reconstruction d'une architecture où la peinture se fait dessin. Impression de splendeurs, d'harmonies mises en scène et suspendues dans l'espace, toutes pétries de couleurs fines. L'univers se crépit de matière colorée, travaillée avec art et bonheur où s'inscrit pour toujours, la trace du mouvement au cours duquel il a été crée. On pourrait croire que la matière s'est façonnée le temps d'un éclair, tant elle garde la mémoire vive du geste qui l'a formée, mais on ne tarde pas à comprendre que c'est une maîtrise technique accomplie qui rend cette impression de vie sans fin.
C'est bien la couleur qui construit le monde dans un univers fait de sujets choisis pour la force évocatrice de leur plastique. Un univers de correspondances où se répondent couleurs, scènes et idées que suggèrent des compositions où rien n'arrête la méditation et l'envoûtement.
Les formes florales, les tutus de la danse, les capes des arènes, les volumes de l'onde et des lumières qui jouent sous les arches de ponts et les voiles de nefs cinglant vers la haute mer qui nous embarquent avec elles au coeur des rêves qui les emportent.
Oui, des correspondances... car on sent bien que pour l'artiste le sujet est transcendé par une recherche d'un autre ordre, en quête des structures profondes qui soutiennent l'objet perçu et représenté tout en le dessinant dans sa nature même et dans les rapports l'unissant au monde vu et ressenti. Oui des correspondances... L'harmonie y prend naissance et l'on distingue d'autres voix, sans oublier la poésie. Mais que disait donc le grand poète à propos des parfums, des couleurs et des sons qui se répondent?
Jacques Thiers
************************************************************************************************
ANTOINETTE NICOLINI par PIERRE CHAUBON
Préface catalogue Exposition 2001.
Pierre Chaubon